Pourquoi le numérique n’intéresse personne en Mauritanie ? Sommes-nous
entrain de rater la révolution (historique et inédite) du numérique quand de
plus en plus de pays africains se l’approprient et en font un instrument
privilégié de leur développement ? Autant de questions auxquelles le
co-fondateur de Kapros tente quotidiennement, par son travail et ses
rencontres, de répondre. Perspective.
A l’heure où le continent se pose la question cruciale du chômage de ses
jeunes qui composent quasiment 75%
de sa population, certains pays, comme le Rwanda,
le Maroc, le Sénégal ou le Gabon, ont
compris les potentialités résidant dans cette nouvelle ère industrielle ouverte
par le numérique. « On peut se développer à ce niveau à bien moindres coûts,
qu’à travers une industrialisation primaire, coûteuse en argent, et en
transfert de technologies » explique Khalil
Mounir, fondateur-associé de Kapros.
D’autant que certaines bases sont là pour servir de puissants tremplins : «
L'internet mobile représentait en 2013 plus de 200 000 abonnés à la 3G en Mauritanie. Un taux de pénétration de 7% assez correct par rapport au niveau
continental, et qui est en progression ; et dans les classements africains, la
qualité de connexion est assez bonne en Mauritanie
» développe le jeune mauritanien.
La révolution numérique « dont on ne verrait le potentiel positivement
explosif, que le sommet de l’iceberg ». « Ce sont des opportunités inouïes pour
nos jeunes. Vous n’avez besoin « que » d’un ordinateur, d’une connexion
internet, et de votre cerveau. Je simplifie bien sûr. Encore faut-il préparer
le terrain pour cela. Aujourd’hui en Afrique et partout dans le monde, les
nouveaux riches sont des créateurs d’entreprises dans le domaine du numérique.
Et pour une fois, tout le monde peut plus ou moins commencer sur un même pied
d’égalité » continue-t-il.
Mais cette révolution mondiale n’est pas adressée qu’aux jeunes tient à
rappeler Khalil Mounir. « C’est un a priori. C’est une révolution qui est en
train de modifier en profondeur tous les secteurs sans exception. Imaginez que
nous ayons un écosystème favorable pour le développement du numérique.
Plusieurs opportunités pourront se présenter à une personne formée.
Dernièrement le Groupe ATOS
a signé un accord [avec l’Etat du Sénégal] pour l’installation
d’une plateforme technologique dans la ville numérique
de Diamniadio [située à l’entrée de Dakar]. C’est 1000 emplois
de créés sur trois ans. Beaucoup de start-up sont aujourd’hui créées au niveau
local en Afrique et partent à la conquête du marché continental, voire mondial
» s’enthousiasme l’ancien étudiant d’Amiens.
Une chance éventuelle pour la Mauritanie
« Le PIB du Sénégal est de 15 milliards de
dollars ; et la part d’internet est de 3%.
C’est énorme ! Et ils en sont à peine au stade embryonnaire. A ce rythme, nous
aurions pu avoir une valeur ajoutée de à notre richesse nationale de près de 150 millions de dollars, si nous nous
étions lancé dedans il y a une dizaine d’années. C’est une chance pour la Mauritanie, si elle est saisie, de
diversifier son économie, entre autres » affirme Khalil.
La Mauritanie a été classée 147 sur
166 dans le dernier classement de l'Union
internationale des télécommunications de 2014. « Cet indice permet de
classer les pays en fonction de leurs performances en termes d’infrastructures,
d’adoption des Tics et de capacité à
les utiliser » explique Khalil Mounir.
Une situation en rien inaltérable, et qui dépendra essentiellement, et
avant tout, d’une « volonté des pouvoirs publics pour une orientation
stratégique de l’économie ». « Il faut qu’ils aient conscience de tout ce que
peut apporter le numérique à notre économie nationale, en termes de création de
richesses et d’emplois. Une fois cela acté, plusieurs défis se poseront alors.
Le premier défi est celui des infrastructures. Il faut investir massivement
dans la mise en place des infrastructures et leur maintenance.
Ensuite vient l’enjeu de la formation tant au niveau des universités qu’au
niveau des entreprises et administrations. Il y a aussi un défi au niveau de
l’emploi. Le numérique va détruire des emplois mais il va en créer aussi.
L’enjeu est de créer un écosystème favorable au développement des activités
liées au numérique en Mauritanie » continue longuement le jeune mauritanien.
Indicateurs sur le
numérique : La première entreprise mondiale en termes de valorisation Apple,
supérieur à celle d’Exxon Mobil, le géant pétrolier. 3,025 milliards
d’internautes, soit 42% de la population et plus de 2 milliard de personnes
sont sur les réseaux sociaux.
Kapros, incubateur de projets numériques
Un enthousiasme permanent et sans faille pour le numérique, qui est « au
cœur » de sa formation, et « le cœur de métier de Kapros », un incubateur français de projets numériques ; une
start-up dont il est le co-fondateur à la base, même si un volet lié à la
communication s’y est greffé depuis. « Aujourd’hui la communication passe
essentiellement par les canaux numériques » explique-t-il simplement. Ils ont
notamment développé SYGLES, un
système de gestion des établissements scolaires en ligne, déjà en
commercialisation dans sa première version.
Depuis un an installée en Mauritanie,
l’entreprise Kapros basée à Amiens en France,
a commencé ses activités en 2012.
Un master en gestion des entreprises, un autre en informatique, les deux
complétés par un doctorat en « algorithmiques des graphes ». Durant cet
intervalle d’apprentissage, il devient le président de l’association des
étudiants musulmans de France. « Une vie enrichissante dans le milieu
associatif qui m’a forgé, littéralement, que ce soit au niveau intellectuel,
moral ou social, en rencontrant des gens de tous horizons, et de toutes
conditions » ajoute Khalil Mounir, âgé aujourd’hui de 36 ans.
Kapros a eu en charge la communication (son aspect numérique) de la
candidature de la Mauritanie pour le poste de Secrétaire Général Adjoint de
l’union internationale des Télécommunications, durant l’automne dernier. « De
plus, nous travaillons avec plusieurs institutions sur leur présence sur
internet » développe le DG de Kapros en Mauritanie.
D’autres projets sont également en cours de développement, et qui augurent
de la pierre que Kapros veut apporter à l’écosystème du numérique en Mauritanie.
« Nous travaillons actuellement sur trois projets pour la Mauritanie. Le
premier est Mauritania Events qui
est un portail d’informations sur l’art, la culture et le sport en Mauritanie.
Le deuxième est un projet encore confidentiel. La seule chose que je peux vous
dire, c’est qu’il est dirigé vers les professionnels de tout bord. Le dernier
est un agrégateur d’actualités sur la Mauritanie » précise celui qui exhorte à
une diversification active de l’économie du pays, bien trop dépendante à ses
yeux de l’extraction des ressources naturelles.
« Le solaire, le tourisme de qualité et l’agriculture sont trois secteurs,
de mon point de vue, qui peuvent donner une réelle, importante et salutaire
diversification à notre économie » conclut-il.